La Cour de Karlsruhe a retoqué la loi de 2019, qui repousse après 2030 la réduction des émissions de gaz à effet de serre, en estimant qu’elle faisait porter aux générations futures un poids excessif.
Par Thomas Wieder(Berlin, correspondant)
A cinq mois des élections législatives allemandes du 26 septembre, c’est un coup de semonce juridique qui a tout d’une petite bombe politique. Dans un arrêt publié jeudi 29 avril, la Cour constitutionnelle de Karlsruhe a retoqué la loi de 2019 sur la protection du climat, estimant qu’elle ne contient pas d’exigences suffisantes pour réduire les émissions de gaz à effet de serre après 2030 et que, ce faisant, elle conduit à « restreindre pratiquement et potentiellement toute forme de liberté » pour les générations futures.
« Nous avons gagné. C’est énorme. La protection du climat n’est pas un luxe. C’est un droit fondamental », s’est félicitée Luisa Neubauer, la jeune chef de file de la branche allemande du mouvement Fridays for Future, l’une des associations ayant saisi la Cour de Karlsruhe au sujet de ce texte qui impose, d’ici à 2030, une réduction de 55 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport au niveau de 1990.Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le compte à rebours de la succession d’Angela Merkel à la tête de l’Allemagne est lancé
« Les dispositions contestées [de la loi de 2019] portent atteinte aux libertés des requérants, dont certains sont encore très jeunes. Elles repoussent irréversiblement à la période postérieure à 2030 des charges considérables en matière de réduction d’émissions », écrivent les juges constitutionnels dans leur arrêt, qui contient également un ultimatum : « Le législateur est tenu, d’ici au 31 décembre 2022, de régler plus précisément l’ajustement des objectifs de réduction des émissions pour la période postérieure à 2030. »
Passe d’armes au sein de la coalition
S’ils ne sont pas à l’origine des recours déposés devant la Cour de Karlsruhe, les Verts ont compris le profit politique qu’ils pouvaient espérer tirer de cette décision, à l’orée d’une campagne électorale qu’ils abordent en position de force. Saluant une « décision historique », leur candidate à la chancellerie, Annalena Baerbock, a immédiatement réagi en exigeant « des mesures concrètes ici et maintenant ».
Crédités de 23 % à 28 % dans les derniers sondages, ce qui leur donne une chance de participer au prochain gouvernement voire de le diriger, les écologistes souhaitent qu’un débat sur la question soit organisé dès la semaine prochaine au Bundestag, estimant que « la politique d’immobilisme et d’attentisme de la CDU-CSU et du SPD menace les libertés des générations futures ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi Angela Merkel en fin de règne, la lutte pour sa succession en Allemagne reste confuse
Au sein de la « grande coalition » d’Angela Merkel, l’arrêt de Karlsruhe a donné lieu, jeudi, à une étonnante passe d’armes, sur Twitter, entre le ministre de l’économie, le conservateur Peter Altmaier (CDU), et son collègue chargé des finances, le social-démocrate Olaf Scholz (SPD). Alors que le premier venait de saluer une « décision de grande importance » à la fois pour « les droits des jeunes gens » et pour la « sécurité » juridique qu’elle donne aux investissements d’avenir, le second – qui est également candidat du SPD à la chancellerie – s’est empressé de lui répondre : « Cher collègue, pour autant que je m’en souvienne, c’est vous et votre parti qui avez fait barrage [aux mesures] que réclame aujourd’hui la Cour constitutionnelle. Mais nous pouvons vite corriger cela. Vous êtes de la partie ? ».