La marine marchande, responsable de 2,9 % des émissions de gaz à effet de serre, s’est engagée à réduire de 40 % ses émissions de CO2 d’ici à 2030 par rapport à 2008. Les investissements nécessaires pour renouveler une flotte de 60 000 navires s’annoncent massifs.
Jean-Michel Bezat pour Le Monde
Le transport maritime est à l’aube de profondes mutations. A court terme, la croissance du commerce mondial a entraîné une pénurie de « boîtes » et de porte-conteneurs pour les transporter, mais aussi à un engorgement sans précédent dans certains ports, notamment sur la Côte ouest des Etats-Unis, incapables d’absorber les biens manufacturés en provenance de Chine. Des goulets d’étranglement qui, pour de nombreux gestionnaires d’installations portuaires, ne disparaîtront pas avant le courant de l’année 2022 au plus tôt.
Mais, à moyen terme, le shipping doit relever un autre défi, redoutable : « verdir » une flotte mondiale de 60 000 navires encore très majoritairement propulsés au fioul. Ils sont responsables de 2,9 % des émissions de gaz à effet de serre, un taux proche du transport aérien, et cette part risque d’augmenter fortement avec l’accroissement d’un trafic maritime assurant 80 % du transport de marchandises. Question à plusieurs centaines de milliards de dollars : comment financer cette transition ?
L’International Chamber of Shipping (ICS), qui représente des armateurs disposant de plus de 80 % de la flotte marchande, a soumis une proposition inédite, lundi 6 septembre, à l’Organisation maritime internationale (OMI), organisme de l’ONU réglementant le secteur : une taxe obligatoire et fixe par tonne de dioxyde de carbone émise par les navires de plus de 5 000 tonnes. Une première pour un secteur d’activité entier. Son produit irait à un fonds climat, géré par l’OMI, pour financer le déploiement de postes d’avitaillage en carburants à basse émission dans les ports et, surtout, compenser le différentiel de prix qui pénalise ces carburants par rapport au fioul.
Sous pression de l’OMI
Les armateurs sont sous pression de l’OMI, qui doit tenir une réunion importante fin 2021, après la COP26 de Glasgow (Ecosse). En 2018, elle leur a fixé des objectifs ambitieux au regard du retard pris par le secteur : – 40 % d’émissions de CO2 en 2030 par rapport à 2008 et – 70 % à l’horizon 2050 (et – 50 % pour tous les gaz à effet de serre). En 2019, les associations d’armateurs avaient proposé une taxe de 2 dollars par tonne de carburant, qui aurait aussi abondé un fonds géré par l’OMI pour décarboner porte-conteneurs, cargos ou vraquiers.
Cette transition ne doit pas entraîner une envolée des tarifs de fret, ni compromettre la sécurité du transport, insiste l’ICS, qui plaide pour une mesure globale. Elle a rejeté la disposition du plan climat européen présenté le 14 juillet, qui inclut le transport maritime dans le mécanisme d’échange des quotas d’émissions de CO2 (« droits à polluer »). Pour son secrétaire général, Guy Platten, il expose les armateurs à la volatilité du marché du CO2 alors que ces derniers sont en quête de stabilité pour investir. En outre, cela introduit des distorsions de concurrence entre pays développés et pays émergents.